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Depuis la loi de finances 2022, une révolution silencieuse s’est opérée dans le monde des transmissions d’entreprises… En effet, et pour la première fois, le rachat d’un fonds de commerce permet une déduction fiscale via l’amortissement, réduisant ainsi l’impôt sur les sociétés du repreneur. Une opportunité en or… mais avec une date limite : décembre 2025. Face à cette fenêtre fiscale qui se referme, de nombreux cédants accélèrent la vente de leur fonds, et les repreneurs scrutent chaque transaction pour maximiser l’effet d’aubaine. Mais comme toujours, il y a des pièges à éviter. Décryptage !

Amortissement du fonds de commerce, une opportunité unique

Avant 2022, que l’on rachète les parts sociales d’une entreprise ou simplement son fonds de commerce, le traitement fiscal était le même, à savoir aucune possibilité d’amortissement. La valeur du fonds restait figée, et la seule véritable variable fiscale se jouait sur les régimes de plus-value. Désormais, le schéma a changé. Si un repreneur rachète les parts sociales, l’impossibilité d’amortissement reste en place. En revanche, s’il achète uniquement le fonds de commerce, il peut l’amortir sur dix ans et ainsi réduire drastiquement son impôt sur les sociétés. Sur un achat à 1 million d’euros, cela représente une économie fiscale pouvant atteindre 250 000 euros.

Mais cette manne financière n’est pas accessible à tous comme l’explique le groupe Daici International. Pour en bénéficier, l’entreprise acheteuse doit respecter deux des trois critères suivants : un chiffre d’affaires inférieur à 12 millions d’euros, un total du bilan sous les 6 millions d’euros, et avoir moins de 50 salariés.

Pourquoi vendre son fonds au lieu des parts sociales ?

Pour un vendeur, la logique fiscale reste différente. Les plus-values sur la vente de parts sociales bénéficient souvent d’un régime fiscal plus avantageux, notamment lorsqu’elles sont détenues par une holding. En effet, une holding qui revend ses titres de participation n’est imposée qu’à hauteur de 12 % de la plus-value. Avec un taux d’IS de 25 %, cela revient à un impôt effectif de seulement 3 % sur la plus-value réalisée.

Autrement dit, le vendeur a tout intérêt à céder les parts plutôt que le fonds de commerce. Mais face à la nouvelle incitation fiscale côté acheteur, un compromis peut émerger : vendre le fonds, mais à un prix plus élevé pour compenser le différentiel d’imposition. Résultat ? Un risque d’inflation des prix de vente, qui pourrait compliquer la donne pour certains repreneurs.

Le piège de l’illusion fiscale : attention aux mauvaises surprises

Si l’amortissement du fonds est un atout indéniable pour réduire l’impôt sur les sociétés, il cache aussi des effets pervers qu’il ne faut pas négliger. D’abord, l’impact comptable. Amortir un fonds de commerce revient à réduire le résultat net. Or, un résultat comptable négatif ou trop bas signifie que l’entreprise ne pourra pas distribuer de dividendes. C’est un point clé pour un entrepreneur qui compte se rémunérer via sa société ou rembourser un emprunt personnel utilisé pour financer l’acquisition.

Ensuite, vient la question du financement. Les banques restent très prudentes face aux fonds de commerce amortissables, car leur valeur peut chuter une fois l’amortissement terminé. En clair, une banque qui accepte aujourd’hui de financer un achat en prenant le fonds en garantie pourrait se retrouver avec un actif dévalorisé dans dix ans. Une situation qui pousse certaines institutions financières à refuser le prêt, même si l’opération est rentable sur le papier.

Abordons enfin la question de la revente. Un repreneur qui rachète un fonds de commerce 1 million d’euros et l’amortit sur dix ans réduit sa base imposable, mais pas son coût réel. Si, au bout de dix ans, il revend le fonds au même prix, il se retrouve avec une plus-value imposable de 250 000 euros, qui annulera une partie de l’avantage fiscal initial.

Racheter son propre fonds de commerce, la fausse bonne idée

Face à ce dispositif, certains pourraient être tentés de racheter leur propre fonds de commerce via une autre société pour profiter de l’amortissement. Mais le fisc veille au grain. Il est interdit de vendre son fonds de commerce à une entreprise que l’on contrôle pour bénéficier artificiellement de cet avantage. Toute tentative de rachat à soi-même sera requalifiée et sanctionnée.

exoneration des plus values pour les petits fonds

Quid de l’exonération des plus-values pour les petits fonds

Si l’amortissement du fonds est une opportunité temporaire, une autre mesure, bien plus pérenne, continue de favoriser la cession des petites entreprises. L’exonération des plus-values sur les fonds de commerce de faible valeur reste un levier puissant pour les cédants. En effet, la loi de finances 2022 a renforcé cette exonération, notamment en offrant une exonération totale aux ventes à moins de 500 000 euros. En outre, les ventes entre 500 000 et 1 000 000 d’euros bénéficient d’une exonération partielle.

Pour couronner le tout, un dirigeant partant à la retraite bénéficie d’un régime fiscal encore plus favorable, tant que le prix de cession ne dépasse pas 500 000 euros. Contrairement à l’amortissement, cette exonération n’a pas de date de fin, ce qui en fait un atout stratégique pour de nombreux cédants.

Une fenêtre d’opportunité à saisir… mais avec prudence

Jusqu’en décembre 2025, les acheteurs de fonds de commerce bénéficient d’un levier fiscal exceptionnel qui peut leur faire économiser des centaines de milliers d’euros sur leur impôt. Mais derrière cet avantage, des risques comptables et financiers bien réels peuvent compliquer les futures opérations de revente ou de financement.

Pour les vendeurs, la tentation de profiter de la hausse des prix due à cette niche fiscale est grande, mais encore faut-il trouver des acquéreurs capables de suivre. En attendant, la meilleure option pour tous reste une approche équilibrée, intégrant à la fois les avantages immédiats et les conséquences à long terme. Reste à savoir si la mesure sera prolongée après 2025 ou si l’Etat décidera de refermer cette parenthèse fiscale qui a déjà bouleversé les règles du jeu en matière de transmission d’entreprises.