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Depuis le 24 octobre 2024, un changement majeur a touché les Plans d’Epargne Retraite (PER) et les assurances-vie sous gestion pilotée : l’intégration obligatoire d’une part d’investissements non cotés. Une décision qui intrigue, voire inquiète certains épargnants prudents. Pourtant, si cette classe d’actifs est effectivement plus risquée que les actions traditionnelles, elle pourrait aussi être une belle opportunité pour diversifier et muscler son épargne. Qui plus est, derrière la crainte légitime de confier une partie de son argent à des placements plus risqués, il y a un virage stratégique voulu par l’Etat, avec une logique économique assumée : injecter du capital frais dans les PME et les entreprises de la transition écologique. Faut-il s’inquiéter ou y voir un coup gagnant ? Eléments de réponse !

Une réforme pensée pour financer l’économie réelle

Il est évident que cette décision n’a rien d’un hasard. Le gouvernement, à travers cette mesure, cherche à rediriger l’épargne vers l’économie productive, et plus précisément vers les entreprises non cotées, celles qui n’ont pas accès aux marchés boursiers pour lever des fonds. L’idée est simple : mobiliser une partie de l’épargne des Français pour aider les PME et les startups innovantes, en particulier dans les secteurs liés à la transition écologique.

Comme l’explique ideal-investisseur dans une publication de novembre 2024 relayée par Finzzle, l’impact de la réforme se limite cependant aux PER et aux assurances-vie sous gestion pilotée. Les contrats en gestion libre, où l’épargnant choisit lui-même ses allocations, ne sont pas concernés. Quant aux PER d’entreprise collective, ils n’intégreront cette obligation qu’à partir de juin 2026. Dès lors, l’enjeu principal réside dans la répartition de ces nouveaux investissements. Contrairement à ce que certains redoutent, il ne s’agit pas d’une redistribution massive de l’épargne vers des fonds obscurs. La part de non coté intégrée dépend du profil de l’épargnant et de son horizon d’investissement. Un investisseur proche de la retraite, avec un profil prudent, verra seulement 2 % de son capital placé dans du non coté. En revanche, un épargnant plus jeune, au profil offensif, pourra avoir jusqu’à 15 % de son PER investi dans ces actifs.

Un placement encore mal connu des particuliers

Dans l’imaginaire collectif, investir dans une entreprise signifie acheter des actions en Bourse. Pourtant, un vaste pan du marché financier fonctionne en dehors des indices boursiers traditionnels, notamment à travers le private equity. Ces placements concernent des entreprises qui ne sont pas cotées sur les marchés financiers, avec des niveaux de risque et de rendement qui varient en fonction des secteurs et des stratégies adoptées.

Par ailleurs, il faut rappeler que le non coté recouvre plusieurs catégories d’investissements. Parmi les plus risquées, le capital-risque, qui consiste à financer des startups en phase de lancement. Ces jeunes pousses peuvent exploser et offrir des rendements spectaculaires, tout comme elles peuvent s’effondrer en un rien de temps. D’autres segments, comme le capital-développement, sont moins volatils, car ils financent des entreprises déjà rentables qui cherchent à accélérer leur croissance.

Contrairement aux actions cotées, qui peuvent être revendues à tout moment sur le marché, les actifs non cotés posent un problème majeur : leur liquidité. Un investisseur souhaitant récupérer son capital doit trouver un acheteur, ce qui n’est pas toujours garanti. Cet obstacle peut être tempéré dans le cadre des assurances-vie, puisque l’assureur prend le relais et assure le retrait des fonds à ses clients.

Une performance qui divise les experts

D’un point de vue strictement financier, le non coté est souvent perçu comme une source de rendement plus élevée que les actions traditionnelles. Sur quoi repose cette idée, dites-vous ? Eh bien elle repose sur un principe fondamental : plus le risque est grand, plus le rendement peut être attractif. C’est aussi simple que cela. Mais en creusant les chiffres, le constat est plus nuancé… Une étude publiée par France Invest en mai 2024 a analysé les performances des fonds non cotés lancés entre 2013 et 2023. Résultat : une rentabilité annuelle moyenne de 6,2 % hors frais. De son côté, France Assureurs estime que les fonds actions éligibles aux assurances-vie ont généré des rendements oscillant entre 4,5 % et 11 % sur la période 2018-2023.

Autrement dit, le non coté ne surperforme pas systématiquement les actions cotées. Tout dépend du type d’actifs sélectionnés, des conditions de marché et de l’horizon d’investissement.

Un modèle déjà adopté à l’étranger

Si certains s’étonnent de voir l’Etat imposer une part de non coté dans les PER et les assurances-vie, il faut savoir que cette stratégie n’est pas une exception française. Aux Etats-Unis, les fonds de pension investissent en moyenne 20 % de leurs actifs dans du non coté. Ce modèle, largement répandu en Amérique du Nord et dans certains pays européens, repose sur l’idée qu’un portefeuille bien diversifié intègre nécessairement une part d’investissements non liquides.

Ce n’est donc pas tant la présence du non coté dans les produits d’épargne qui suscite des débats, mais son caractère obligatoire. L’argument principal des détracteurs est que cette classe d’actifs ne correspond pas au profil de tous les investisseurs. En effet, un épargnant prudent, qui souhaite limiter au maximum son exposition au risque, pourrait être réticent à cette nouvelle allocation forcée.

Un risque maîtrisé pour les épargnants prudents

Les pouvoirs publics ont toutefois anticipé ces craintes en mettant en place une pondération adaptée au profil de chaque épargnant. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la part de non coté dans un PER ou une assurance-vie reste relativement faible. Ainsi, un investisseur prudent, qui approche de la retraite, ne verra qu’une infime fraction de son épargne concernée. En revanche, pour ceux qui ont un horizon d’investissement plus long et une tolérance au risque plus élevée, cette nouvelle approche peut être un levier intéressant pour dynamiser leur rendement.

Dans les faits, la réforme ne change donc pas fondamentalement les règles du jeu. Les épargnants qui souhaitent limiter leur prise de risque peuvent toujours choisir un profil de gestion adapté, avec une part de non coté minimale. Ceux qui veulent profiter du potentiel de ce marché peuvent, au contraire, s’orienter vers des allocations plus dynamiques.

Faut-il s’inquiéter ?

Au final, l’intégration obligatoire du non coté dans les PER et assurances-vie sous gestion pilotée ressemble moins à une révolution qu’à une évolution logique de l’épargne longue durée. Pour les épargnants les plus prudents, l’impact est quasiment invisible. Pour ceux qui acceptent une prise de risque modérée, c’est une occasion d’intégrer une nouvelle classe d’actifs avec un risque maîtrisé.

Si cette réforme peut sembler contraignante de prime abord, elle offre surtout une alternative intelligente à l’épargne traditionnelle. En misant sur une diversification adaptée à chaque profil, elle permet d’explorer de nouvelles opportunités sans mettre en péril la sécurité des placements… Encore faut-il bien comprendre les règles du jeu.